La spécificité du Maghreb arabe (Casablanca , 6 et 7 décembre 1990)

Venus des deux côtés de la Méditerranée pour débattre et « penser » le Maghreb dans sa spécificité, plusieurs chercheurs se sont retrouvés à la Fondation les 6 et 7 décembre 1990. Peut-on « penser » l’espace maghrébin en terme de spécificité sans courir le risque de la soustraire à sa dimension islamique, arabo-berbère, africaine, méditerranéenne, voire universelle ? A cette question essentielle les intervenants répondent par l’affirmation et vont même plus loin.
Selon M. Bennouna la recherche sur la spécificité du Maghreb est un travail « essentiel et primordial, tant il est vrai que tout projet unitaire doit trouver son ressort et son souffle dans ses forces endogènes, dans son génie propre, autrement, il ne serait qu’un succédané, un sous-produit qui balance au gré des vents venus d’ailleurs ».
Pour A. Cheddadi, il ne peut y avoir de spécificité que par rapport à « un universalisme assumé ». Mais de quel « universalisme » s’agit-il ? L’universalité n’équivaut nullement à l’identification à la modernité occidentale. Une universalité assumée pour les Maghrébins suppose un investissement de la dimension islamique pour forger une modernité nouvelle qui puisse sa substance dans leur spécificité.
Faut-il imprimer une dynamique d’intégration au Maghreb qui soit, en même temps, une dynamique de modernité ou demeurer cloisonné à un mimétisme figé ? H. El Malki souligne à ce propos que la modernité est plurielle et fondée sur un « double mouvement : enracinement et ouverture ».
M. Arkoun, de son côté, appelle à l’élaboration d’une pensée critique maghrébine qui sera en mesure de déconstruire « cet impensé cumulé » tout au long de l’histoire arabo-musulmane.
Le Maghreb apparaîtra, en fin de compte, comme ayant à la fois des caractéristiques qui lui sont propres, quoique difficilement définissables, et d’autres qu’il partage avec d’autres sociétés civiles. La spécificité se résume, entre autres, dans son fiqh (malékisme), sa mystique (confréries), son ésotérisme (rites de sacrifices) et sa langue travaillée de l’intérieur par les dialectes berbères.
D’autres aspects semblent être refoulés, voire réprimés, telle une certaine identité maghrébine qui arrive difficilement à trouver une expression dans le champ politique.
Il demeure néanmoins, que c’est dans la conjugaison de cette spécificité et de la modernité que résiderait le chemin qui conduirait les Maghrébins à construire leur unité.»
Les actes de ce colloque ont fait l’objet d’une publication sous le titre La spécificité du Maghreb arabe.
Programme
6 et 7 décembre 1990
Ouverture
Allocution d’ouverture : Driss SLAOUI
Rapport introductif : Mohamed BENNOUNA
Première Séance : Penser le Maghreb
Mohamed ARKOUN
Pour une pensée maghrébine
Michel CAMAU
Spécificité maghrébine et sciences sociales
Deuxième Séance : La Civilisation maghrébine
Jean-Claude VATIN
Le Maghreb à travers les sciences politiques occidentales
Abdeslam CHEDDADI
La Spécificité du Maghreb dans la pensée religieuse, philosophique et historique
Abd El Kader KHATIBI
Portrait du Maghrébin
Troisième Séance : Le Maghreb, continuité ou rupture ?
Michel JOBERT
Le Maghreb, deux siècles avant l’Islam
Habib EL MALKI
Le Maghreb : Quelle modernité ?
Abdelatif BENACHENHOU
Conditions internes et facteurs externes de la modernisation du Maghreb
Quatrième Séance : Le Maghreb face aux attractions extérieures
Yadh BENACHOUR
La Spécificité de la pensée juridique maghrébine
Slimane CHIKH
La dimension africaine du Maghreb
Abdellah HAMMOUDI
Rapport de synthèse